Le retour d'Ulysse (Epilogue)
Ulysse, depuis longtemps de retour sur Ithaque, n’en finissait plus de contempler sa barque avec nostalgie. Il pensait à Calypso la lointaine, dont le souvenir commençait à s’effacer. D’étoile brillante, elle était devenue à présent un quasar énigmatique dont l’éclat capricieux se rappelait à lui, ponctuellement, d’une façon fulgurante mais irrégulière. Il avait essayé de n’y plus penser mais son souvenir était comme un trou noir qui dévorait une grande partie de son énergie. Le pauvre Ulysse souffrait de la voir s’allumer et s’éteindre au gré d’une fantaisie mystérieuse et cruelle.
La moitié de lui-même martelait en silence « laisse-moi en paix, amour tyran, laisse-moi en paix » et l’autre moitié cherchait obstinément les images qui lui échappaient… (le velours de son regard, la douceur de sa peau, la fraîcheur de sa bouche, les griffures du temps au coin de ses yeux, les caresses de ses mains, les cascades de son rire, toutes choses dont il ne maîtrisait ni l’oubli ni la réminiscence.)
Ulysse voyait bien que le souvenir d’elle s’écaillait comme la peinture de sa barque mais il sentait aussi que son désir d’elle était toujours lancinant dans les nuits froides et solitaires au seuil de la vieillesse. Trop tard ! il était trop tard, et la vie était ici, morne et triste, aux côtés d’une reine occupée à tisser par habitude, et d’un fils qui attendait la mort du père… (eva ©) photo de Michel Giliberti